L’art est trahison de la réalité connue et donnée comme telle par le consensus culturel d’une époque. Il est transgression, par l’imaginaire, du réel et de la connaissance sur lesquels il prend appui. Aussi la problématique du créateur occidental réside-t-elle dans le sens que celui-ci confère à la technique qu’il emploie. Or, le sens en musique est uniquement musical : il naît des rapports sonores imaginés par le créateur. D’autant que ce qui fait sens dépasse l’écrit.

PHOTOS de Jean-Baptiste AVRIL

J’ai appris que la ligne droite est la seule qui mène généralement dans le fossé et que le chemin de l’épigonat est assurément le plus encombré. Quant à celui du « paraître », c'est un sentier tout aussi dangereux et encombré.

EN GUISE DE ... CONCLUSION PROVISOIRE

Une œuvre doit atteindre à l’évidence, tant technique que sensible. Et donc, si penser c’est lier, une œuvre est assurément une pensée et non une juxtaposition de sons. Chaque œuvre est alors un être singulier dont forme et contenu sont indissociables. Conséquemment, le « sens » ne peut s’entendre que parce que le passé ne meurt pas et que le futur n’est aucunement rupture. Or, les paramètres élémentaires (note, intervalle, timbre, hauteur, rythme) sont débordés par le concept. Ainsi la note par la gamme et/ou le mode et/ou la série qui va lui donner une fonction, et ceux-ci seront à leur tour débordés par la forme qui les insèrent tous deux et à laquelle ils participent. Si la musique est bien un dépassement successif dans le temps, nous pouvons dès lors convenir que c’est le déroulement même de ces instants qui forment sens. Aussi, seules les traces laissées par l’idée créatrice nous permettent-elles de suivre, de « comprendre » ce qui se passe, de cerner le discours musical. Pensez-vous trouver le véritable Graal dans le  leitmotiv que Wagner lui a offert ?

 

  • La présence de l’œuvre s’éprouve dans l’unité née du morcellement.
  • Le sens de l’être musical ne laisse point place à l’interrogation.
  • L’idée (qui se doit d’être musicale) est une présence, une connaissance dont le concept est la recherche, la réminiscence.
  • La musique est un métalangage, une fiction de langue, un neutre linguistique.
  • Son sens reste donc purement musical, analysable seulement à travers le concret qui le traverse (matériau et techniques de composition) et qui n’est autre que son matériau articulé...

Les exigences du matériau mettent en jeu la « sédimentation du matériau préformé » (selon les termes d’Adorno) que nous lègue l’Histoire passée ou récente. La volonté d’expression se heurte, quant à elle, à la vie propre du matériau musical. Répétons-le, forme et contenu sont indissociables, et s’il n’y a pas dialectique - autrement dit échange entre le matériau et l’idée censée le régir - la musique devient tautologie désertée d’animus et d’anima. Le danger est alors d’opter pour les moyens sans se préoccuper des fins. C’est pourquoi le matériau, violenté par le calcul (sériel, mathématique, spectral, « ordinatorisé », etc.) a pu entraîner certains à le subir comme aliénation. Constatons simplement que cette perte d’expression, cette « désensibilisation » souligne le point de fracture où le sujet s’affranchit du matériau. Mais à ne se pencher que sur la technique on en vient à la stylisation qui n’est rien d’autre qu’apparence au-delà de l’apparence : une musique « en creux ».  L’important, à mon humble avis, n’est assurément pas de décider du bien-fondé d’une prise de position esthético-technique, mais bien plutôt de mettre au jour l’adéquation entre la technique employée et sa réalisation au travers de l’idée qui la porte. L’existence de l’œuvre ne peut se percevoir que si elle ne succombe point à la vacuité de la technique pour elle-même ou encore, qu’elle ne s’offre point, pieds et mains liés aux volontés de l’effet sonore. Si tel était le cas, cela reviendrait en effet à abandonner l’autonomie créatrice pour l’hétéronomie de l’aliénation et devenir ainsi esclave de la matière. En outre, on ne rejette pas impunément l’expression en la remplaçant par l’ersatz mono-maniaque des timbres, aussi inouïs soient-ils ! Aussi, tout radicalisme portant uniquement sur la technê agit-il comme un vernis qui détruit l’apparence esthétique de l’œuvre. Toute technê est un Narcisse qui se noie dans son reflet et s’efface de la réalité concrète à laquelle il aspire parce qu’il confond son image avec sa « réalité ». Or si toute technê n’est rien d’autre qu’un outil, elle ne peut se confondre avec l’œuvre et ne peut prétendre être, par là-même, que son reflet unidimensionnel, son squelette stratifié. Ceci pose la question suivante : existerait-il alors une éthique immanente à l’œuvre d’art ?

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