Alain FÉRON
                 compositeur


Elève 
d’Ahmed                        ESSYAD
 

Prix SACEM 1985 (Hervé Dugardin)

Année sabbatique du Ministère (1985) 

Lauréat Fondation Henry Clews (1989) 

Bourse d’écriture de la fondation ORCOFI pour un opéra sur Villiers de l’Isle Adam : L’Eve Future (1990)

Boursier Villa Medicis “Hors les murs” (1991)

*Diverses commandes d’Etat, de Radio-France, de Suisse, du Danemark, de la Cité de la Musique

Membre du “Cabinet de Musique Généraliste” fondé par Denis Levaillant (Editions Cézame) 1996-2000

Co-fondateur du collectif  "CATSKIN"(1999)

Membre de "Sounding Arts Collective"


 

ESSAI SUR LA MUSIQUE 
               D’ALAIN FÉRON 
           par Mathieu PICARD 


« Qu’ai-je reconnu  ?  Un style ou une technique  ?  Sont-ce là deux signatures identiques du même homme ? Stendhall, dans les “Promenades dans Rome”, croit que le style est la manière qu’a chacun de dire la même chose.  Mais, naturellement, on ne dit pas deux fois la même chose, car la manière de la dire est la chose même. Une technique ou un style pour créer une formule originale est cette originalité même. La pensée n’est pas une chose et la technique une autre. La technique est la possibilité de modifier, d’exprimer ou de développer la pensée. La technique n’est pas une science qui s’enseigne, pas plus que la culture, l’érudition ou la manière d’apprendre à faire quelque chose. C’est une création et, de ce fait, elle est toujours nouvelle. »    T.W. Adorno 


 « La rationalité de la musique c’est sa totale organisation. Par l’organisation, la musique voudrait rétablir la totalité perdue, la nécessité perdue d’un Beethoven. Mais elle ne peut réussir qu’au prix de sa liberté. C’est pourquoi elle échoue! Cet échec est non seulement devant l’idéal esthétique mais dans la technique même. Le radicalisme, par quoi l’œuvre technique détruit l’apparence esthétique, finit par livrer à l’apparence l’œuvre d’art technique. »    T.W.  Adorno

 

 

Alain Féron, né à Dakar (Sénégal), un 28 novembre 1954, débutera la musique à quatorze ans en-dehors de toute structure. Au Conservatoire de Toulouse (où il fera ses classes d’harmonie, de contrepoint et de piano) il rentrera deux ans plus tard, avec l’aval de l’Université de Toulouse Le Mirail où il s’est inscrit en Lettres Modernes section Musique. Au milieu de son année de Licence, il décidera de partir à la conquête de la capitale . 

Régisseur d’orchestre à son arrivée sur Paris, il commencera par écrire des critiques de disques pour Harmonie (il n’arrêtera cette activité qu’en 2000, après avoir collaboré à Diapason, à Crescendo et au Monde de la Musique). Il devient ensuite journaliste musical (Libération, Les Nouvelles Littéraires, Vendredi, Politique Hebdo etc.) tout en débutant à la radio comme producteur à France-Musique, à France-Culture ainsi qu’à la Radio Suisse Romande (Espace 2). Nommé responsable des « Perspectives du XXème siècle» (alors la plus importante cellule de diffusion de musique contemporaine de Radio France), il restera quatre ans à ce poste. Il sera en outre co-responsable (avec son ami le compositeur Petros Korelis) d'un ensemble instrumental à géométrie variable : l'Ensemble Denojours. Quant à son métier de musicologue, il l'amènera également à enseigner et à assumer diverses missions pour de plurielles institutions publiques, privées et associatives.

Mais retournons en arrière. Nous sommes en 1979 et il n’a pas encore 25 ans lorsqu’il rencontre Max Deutsch et Ahmed Essyad (pour les besoins d’une émission qu’on lui a proposé de réaliser à France-Culture). Et c’est la révélation, son... « chemin de Damas ». Ainsi deviendra-t-il le seul et unique élève d’Ahmed Essyad (avec lequel il travaillera assidûment durant sept ans).

Étudiant alors les grands maîtres du passé sous la tutelle de son maître il choisira de revenir à la problématique des Trois Viennois pour tenter de trouver une voie inexplorée au carrefour même de la modernité de notre seconde moitié de XXème siècle. Laissant ainsi de côté le sérialisme intégral qui avait d’ores et déjà fait faillite ; refusant le spectralisme pour son statisme et son écriture réduite à une pensée timbrique ; repoussant la fausse complexité des patterns de la musique répétitive et la démission du compositeur face aux exigences de l’écriture qu’incarnaient les créateurs attirés par l’aléatoire ;  ne trouvant pas dans l’ordinateur (ni dans les technologies électroacoustiques) un outil suffisamment aiguisé  pour remplacer la liberté infinie de l’imagination créatrice ; et laissant enfin à ceux qui l’entendaient naturellement l’univers infra-chromatique ; il se mit à chercher un langage correspondant à sa propre voix intérieure. Un langage qu’il développera peu à peu (la composition des 13’ de son opus 1 - Charades pour 4 quatuors d’instruments - lui prit trois années !) et qui, au-delà des techniques d’écriture et des esthétiques, se révèle avant tout une démarche éthique et une pensée musicale résolument indépendante.

Pour parodier Schoenberg (auquel Alain Féron porte une tendresse particulière), je dirais qu’il doit à Stravinsky une vision transhistorique de la musique qui le pousse à réinterpréter le passé en se le réappropriant à travers son propre langage ;  à Bartok , l’inventivité rapsodique, la rudesse contrapuntique et la dynamique rythmique ; à Mahler, la richesse thématique et l’art de la transition ;  à Schoenberg, la rigueur des contraintes dans la liberté expressive d’être-soi ainsi que l’art de la variation continue.

Pas de compositeurs contemporains dans cette liste ? Si, mais ce sont, non pas des modèles qui l’ont aidé à se forger ses propres outils, mais plutôt des créateurs dont il aime la musique et dont il reconnaît l’importance de l’œuvre en notre siècle : Zimmermann, Ohana, Ligeti, Maderna, Stockhausen... Liste loin d’être ici exhaustive tant la conviction d’Alain Féron le porte à considérer que les œuvres ne se retranchent pas les unes des autres, mais que, bien au contraire, elles s’ajoutent, et ce, toutes esthétiques confondues !

Son catalogue ne compte à ce jour pas plus d’une quarantaine d’opus. A son actif : de la musique de chambre et d’ensemble (du solo au sinfonietta), de la musique vocale (chœurs, mélodies, opéras, oratorios, cantates, motets), de la musique concertante et orchestrale.

A remarquer qu’à travers ce corpus un style s’impose. Est-ce du au singulier alliage d’un langage résolument atonal et dodécaphonique usant d’éléments modaux, diatoniques et chromatiques ? Est-ce du au puissant dramatisme de ses partitions ou encore au véritable souffle qui les anime et qui emporte l’auditeur sans jamais le lâcher ? Est-ce du à la densité de son discours, au traitement souvent contrapuntique d’un matériau visant toujours plus à l’expression de l’essentiel, à une rythmique complexe toujours animée de l’intérieur, à la conduite mélodique de ses lignes vocales et instrumentales, à son travail si particulier de fragmentation des cellules thématiques, au fait que l’on ressente en ses œuvres une pensée harmonique (bien qu’atonale et dodécaphonique), ou bien à son usage de ce qu’il nomme la « sérialité » et qu’il explique comme étant une pensée et non une technique ?

Je ne saurais le dire ! Mais le fait est là : sa musique ne ressemble à aucunes autres. Et ce que l’on ressent à son écoute, avant même que la beauté, l’intelligence ou la subtilité de l’écriture, reste bel et bien la nécessité vitale de son expression et la profonde sincérité musicale qui nous parle de la vérité d’un être.
 

De l'héritage Schoenbergien à l'affirmation d'un langage

L'enseignement d'Ahmed Essyad fut celui de tout grand pédagogue : le travail d’un accoucheur. Ce qui est frappant par exemple, c’est que la première leçon de son maître fut de le mettre en contact avec un questionnement auquel il n’apporta pas de réponse : « tu dois trouver les notes justes...» Certes, mais qu'est-ce qu'une note juste ? Et que sous-entend ce pluriel ? Comment faire, et surtout, que faire?

Placé devant cette première responsabilité incombant à un compositeur qui se doit de posséder son propre langage,  Alain Féron travailla, expérimenta, retravailla, et sur le métier cent fois remis son ouvrage. Jusqu’au jour où vînt l’évidence. Cette question ne se posait plus ! Mais une seconde l’attendait, et Essyad de lui dire : « Il ne faut pas plier la musique à l'Idée, sinon la musique se venge... Écoute ton matériau, c’est lui qui te guidera » !

En musique, ce n'est donc pas l'idée qui prime mais la musique. Il faut en somme écouter cette dernière et ce qu'elle nous propose. Mais alors, qu’est-ce réellement qu’une « idée musicale » : le matériau sonore ; la thématique choisie s’imposant comme point de départ ; la structure induite par le matériau initial ; la façon de le traiter et donc ses potentialités de transformations par et dans l’écriture ; ou bien, l’idée première, musicale, et rien que musicale, qui va permettre l’organisation ultérieure de l’œuvre et ouvrir ainsi les portes du discours à l’écriture ? Et Essyad ajoutait : « Tu es libre pour écrire la première note, déjà moins lorsque tu choisis la deuxième, et plus du tout lorsque tu enchaînes avec la troisième... ».

Forgé à ces exigences, l’on comprend aisément qu’Alain Féron ait développé une grande rigueur de pensée et une tout aussi grande maîtrise d’écriture. Pas étonnant non plus que, dès son opus 1 achevé en 1983 (Charades), il ait affirmé un langage et un style personnel qu’il n’aura de cesse de développer en l’épurant.

De ces années d’études naîtra  La Barrique d’Amontillado op.3 : un...opéra de chambre d’une heure dont la curieuse instrumentation (privilégiant les graves) comprend : un ténor et un baryton-basse, une clarinette (mi bémol et basse), un basson (et contrebasson), un cor, 3 altos et 3 violoncelles à quoi s’ajoutent un clavecin et deux percussionnistes.

Viendra ensuite Le Miroir et le Masque op.4 pour deux pianos (1985) : une œuvre d’un contrepoint austère et virtuose qui utilise tout le long de la pièce un canon que le compositeur cache, de temps à autre, et laisse de nouveau réapparaître à l’endroit même où il devrait se trouver s’il n’avait été éliminé entre temps.

Et puis, ce sera le challenge d’un véritable quatuor à cordes de 25’. D’une très grande complexité d’écriture, cette partition de 1986 s’inspire des diverses étapes du Grand Œuvre alchimique auquel le titre (Mutus Liber op.5) fait référence en prenant le nom d’un célèbre manuel d’alchimie ne comportant que des gravures censées être suffisamment explicites pour l’initié qui se lancerait dans l’expérience (dont on sait qu’elle est philosophique et non matérielle).

Le cas de son opus 2 (Trois Miniatures datant de 1982) est particulier puisque écrit durant une période où son maître étant absent, l’élève voulut tester alors ses connaissances (son opus 1 était encore loin d’être achevé). Le plus surprenant dans cette partition pour baryton, basson, harpe, harmonium et percussion reste cependant les alliages timbriques tirés de cette nomenclature. Mais, quatre ans plus tard, Ahmed Essyad retournerait s’installer au Maroc. L’apprentissage était terminé. Et Alain Féron de se mettre à sa première pièce pour orchestre Fragments pour un Mausolée op.6. Une œuvre en trois mouvements dédiés chacun à un écrivain révolutionnaire (Victor Serge, Flora Tristan et Franz Fanon).

 

Sur le langage

Alain Féron tente de synthétiser les deux temps historiques de la musique en une seule écriture qui les traite tous deux simultanément (dans le même temps de l’œuvre). Le premier, dit “statique” est celui de l’Orient, de la modalité, du langage monodique, celui des musiques ethniques, du chant grégorien, de Debussy, de Scelsi et des musiques spectrales. Le second, dit “dynamique”, étant pour sa part celui du discours, du contrepoint, de la polyphonie, celui de Bach, de Beethoven ou encore de Schoenberg et de Boulez.

Dans cette “recherche du temps perdu”, d’une totalité à reconstruire, d‘un sens à retrouver (car la seconde moitié du XXème l’a bel et bien fait éclater en éparpillant l’unité et la monade Leibnizienne à tous les coins de l’infini), mais aussi dans cette quête ontologique (d’un discours à structurer, justifier, mettre en «forme»), son propos compositionnel s’affirmera à travers sa volonté de réunifier, de réorganiser et de se réapproprier les fragments épars de la musique au sein d’un langage résolument de son temps. Ce, par le seul jeu de l’écriture. Aucune nostalgie ne se perçoit en effet dans son attitude vis à vis du Passé : il serait absurde à ses yeux de vouloir revenir à un état ancien, de remonter le temps ou de retourner à un ordre passé. S’il croit en la tradition, c’est parce qu’il croit, aussi, qu’elle se doit constamment d’être dépassée.

Une telle prise de position s’appuie ainsi sur des choix techniques qui sont les outils mêmes de son écriture. C’est pourquoi il tient à créer une harmonie atonale et dodécaphonique, diatonique et chromatique mais qui use aussi d’un sentiment modal. Cette harmonie, il l’entretient grâce à une logique intervallique qui lui est personnelle et qu’il tend à rendre évidente, à l’écoute. Mais qui dit harmonie dit modulation (ce qui apparaît comme paradoxal au sein d’une atonalité dodécaphonique) ! Et cependant, Alain Féron en recrée le sentiment par l’usage qu’il fait de la conduite de ses accords et des techniques de polarisation (sur une note ou sur un champs harmonique). “Ce qui fait sens, dit-il, c’est ce que l’oreille entend”...

En outre, il ne renie en rien la pulsation en laquelle il voit la seule possibilité d’établir un véritable discours rythmique (perceptible tant dans le continu que le discontinu... ici, toujours et encore l’importance de l’écoute car, à quoi bon écrire quelque chose que l’on ne peut entendre ? ). L’instauration d’un discours musical dynamique a de plus, pour condition, l’existence d’une thématique dont on peut suivre et percevoir les transformations. Celles de ce compositeur se veulent quant à elles résolument organiques et soumises à la technique de la variation continue (une technique héritée de Schoenberg à laquelle il ajoute l’art de la transition qu’il rêve perpétuelle).

En un tel contexte, l’usage de la polyphonie s’impose donc en induisant tout naturellement la maîtrise de son organisation par un contrepoint (toujours atonal et dodécaphonique, parfois strict, parfois libre ou les deux en même temps) qu’il a choisi linéaire et poly-mélodique, dans l’héritage de Gesualdo, Ockeghem, Josquin et Bach. A ces outils “dynamiques” Alain Féron superpose en outre des techniques d’écriture relevant des musiques “statiques”. A savoir : l’ostinato, mais aussi la liaison qui lui permet d’accéder à une souple et riche rythmique dont les conséquences premières sont de déstabiliser la perception de la pulsation, tout en se rapprochant d’une liberté ressentie comme celle d’une improvisation. A ce début d’inventaire il faut rajouter l’utilisation de perpétuels changements de mesure et de tempi, une pensée linéaire qui, issue de la vocalité monodique, a pour principale tâche de réfléchir sur les notions de conduite et de courbe mélodique, sur un certain diatonisme, et enfin, sur des techniques issues de la pensée modale.


Une musique transhistorique et transculturelle

« La modernité n'est que la moitié de l'art, l'autre moitié, c'est l'éternel, l'immuable » disait Baudelaire. Ce à quoi il ajoutait que la création se devait de « tirer l’éternel du transitoire  ». Cette phrase, Féron l’a faite sienne. Et elle est même, en partie, le fondement de son éthique personnelle.

Aussi, afin de sortir du cercle vicieux des idéologies (révolutionnaires autant que réactionnaires) qui stigmatisaient son époque, Alain Féron a-t-il tiré les conséquences de ce constat qui l‘ont ainsi mené à prendre la voie que lui indiquait son “chemin intérieur”. Certes, plus ardue que les autoroutes de la création, ce chemin, étroit lorsqu’il s’avère d’une telle exigence revendiquée, renvoyait dos à dos les notions de progrès et d’immobilisme en art. Le prendre, c’était tout d’abord refuser de mésestimer l’écriture (ce qui aurait été, à son sens, mésestimer la musique même) mais aussi de la considérer comme un outil et non comme une fin-en-soi. Tentons d’y voir plus clair.

Ce qui est éternel est donc au-delà du temps. Pour être plus exact, au-delà de ce qui caractérise notre époque. C’est-à-dire : la modernité de ses outils, sa technologie ou encore son ou ses langages ! Échapper au Temps par l’intermédiaire de l’œuvre musicale ? Telle est bien la quête musicale profonde d'Alain Féron. Et telle est peut-être aussi la raison qui pousse ce créateur à pratiquer l’art de la transition continue... Reste que la problématique de l’éternelle immuabilité n’en est pas pour autant résolue ! Le Temps, disons pour être plus précis encore, le Temps absolu (celui qui ne s’inscrit pas dans l’Histoire de l’œuvre mais qui lui est consubstantiel) ne se réduit pas aux artifices permettant de créer une impression de temps suspendu ou de temps accéléré.

Le Temps, dans son essence, ne se retient pas ! Il passe comme les grains de sable s’écoulent d’un poing fermé. Et, si ce qui constitue l’intemporalité de l’œuvre n’est pas réductible à une teknê, elle lui est donc assurément donnée... « en plus ». Et c’est justement ce « plus » qui fait de la partition une œuvre véritable, capable de se hausser bien au-dessus d’une simple suite de notes et possédant ainsi ce pouvoir fascinant d’ignorer les outrages des siècles et d’endosser, par là-même, la nécessaire évidence lui permettant d’accéder à cet Olympe que l’on nomme Art

La musique ne devrait jamais oublier le "M" majuscule qui lui donne ses lettres de noblesse. Sans cela, s’ouvre devant nous les infinis horizons de la démagogie où Mireille Matthieu équivaut à Mozart. Et Alain Féron de persister et de signer en citant Max Deutsch : « La Musique est ou n’est pas ! Et c’est pourquoi l’écrituresi elle est nécessaire, n’est pas suffisante pour faire œuvre. »

Reste que, cette "autre moitié de l’art" touchant à la Vérité de l’œuvre n’est autre qu’un mur contre lequel la volonté se brise. Peut-on dès lors le contourner pour parvenir à ce but qu’il semble impossible d’atteindre par la seule volonté ? C’est en tous les cas une question que s’est posée Alain Féron et à laquelle il a répondu de façon plurielle en mettant notamment en pratique le conseil de Baudelaire : « tirer l’éternel du transitoire ». Aussi sa musique sera-t-elle tout d’abord la recherche permanente d'une synthèse des deux temporalités sur lesquelles l’écriture peut avoir prise. A savoir : le temps statique, suspendu, lisse, et le temps dynamique qui, tel un organisme vivant, se génère lui-même. Ce sont ces deux temps qu’Alain Féron sculpte, y compris dans leurs possibilités de superposition.

Pour illustrer mes propos je ne prendrais que deux partitions. La première s’intitule Dans le Corps Obscur de la Métamorphose op.8 (1988). Pour trio à cordes, elle se structure en 7 mouvements qui  font référence à autant de dates de la Révolution Française choisies pour les résonances soit humaines,  soit politiques, soit philosophiques qu’elles ont éveillées en lui. 

Alain Féron va alors tisser une forme tendue et dramatique qui n’a cependant rien à voir avec la musique à programme et encore moins avec une musique à caractère anecdotique. L’œuvre s’affirme en effet, et avant tout, comme une réflexion sur le Temps (individuel et historique), envisagé ici comme une métamorphose dont le créateur tente de saisir le déroulement. A ces deux temps s’ajoute celui... de la mort, que deux mouvements vont prendre pour objet de réflexion. Le premier revisitant cette nuit où la Terreur aurait pu être évitée et la révolution sauvée. Le second, étant l’exécution de Danton.

Deuxième exemple ? Le Temps Scellé opus 31 pour violon et alto (2007), qui fait quant à lui référence au titre du livre-testament de l’un de ses cinéastes favoris (Andréi Tarkovski) et qui est à la fois une réflexion sur la mort et une véritable étude (au sens de « forme musicale ») sur le temps statique et dynamique où les deux lignes instrumentales tissent,  là, un contrepoint si serré que l’on ne parviendra plus à les dissocier l'une de l'autre. D'autant que, parvenue à la moitié de l'œuvre, la musique rebroussera chemin jusqu'à son tout début...

Oui, la musique de Féron se désire signifiante, réflexive, porteuse de questionnements, mais aussi... de réponses (données à travers une écriture qui se veut uniquement musicale). Et le compositeur semble nous dire ainsi que, là ,est la nécessité même de l’écriture, que ce n’est seulement qu’ainsi envisagée qu’elle prend tout son sens. 

Quant à cette « éternité du temps »  (plus problématique quant à l’approche compositionnelle) ce créateur va la chercher en traquant l’arkhè originelle, cette essence première et immuable de la musique qu’il tente de cerner, d’approcher, de toucher, par le prisme d’une vision à la fois transhistorique et transculturelle. Rappelons-nous... toujours ... « tirer l’éternel du transitoire ».

S’il ne s’agit bien sûr pas pour lui de copier un passé (même millénaire comme dans les musiques africaines, arabes et indiennes qui font partie de son univers musical au même titre que Schoenberg ou Bach), ou même de lui emprunter des techniques spécifiques pour les faire siennes. En revanche, sa préoccupation est bel et bien d’en recréer l’esprit. Encore faut-il préciser que c’est aux fins de l’assimiler à son langage qui reste, quant à lui, celui d’un occidental ne reniant aucunement sa culture. C’est pourquoi (même dans ses œuvres métissées) son écriture restera polyphonique (prenant souvent même une forme poly-mélodique), contrapuntique, atonale et dodécaphonique. Car tout ce que touche musicalement Alain Féron reste marqué de son sceau personnel. Et d’ajouter que si ces propos paraissent abscons, il n’y a jamais d'intellect gratuit chez ce créateur.

Le Tombeau de Sayadian op.17 pour flûte bansouri (ou flûte en sol) et un percussionniste (1991) illustre cet aspect transculturel qui prend tout son sens dans l'idée d'un métissage entre les traditions populaires et savantes. Si Ahmed Essyad lui fit découvrir la musique arabo-berbère, son imprégnation ethnique touche aussi aux musiques d'Afrique ou d'Inde. Ce Tombeau donc, composé en 1994, se veut un hommage funèbre à un poète et musicien qui vécut en Perse (entre 1712 et 1795). Plus connu sous le surnom de “Sayat-Nova” (ce qui signifie le “chasseur de son” en Persan), il fut l’un des plus importants Achough arméniens du 18éme (le terme arabe d’Achough  désigne tout à la fois le mot “amoureux” et le nom donné aux “troubadours” dans la tradition orientale). Musicien de la cour d’Héraclés, iI se voudra aussi le serviteur du peuple. Mais il eût le malheur de tomber amoureux de la sœur du roi... Il sera exilé en 1762. Abandonnant alors son art, il se fera prêtre puis moine, suivant en cela son aspiration naturelle à la spiritualité.

Alliant des percussions aux nombreuses couleurs à une... flûte bansouri (un des plus anciens instruments de l’Inde) la partition se veut une réminiscence intemporelle, un écho déformé, méconnaissable, d’un original perdu et recréé de toutes pièces. Alain Féron se sert ainsi bien plus de la souplesse d’utilisation de la modalité que d’un mode oriental particulier car la couleur sonore rêvée qu’il nous propose n’a rien d’authentique (historiquement parlant).

C’est ainsi que l’écriture, tout en restant d’essence occidentale, tente cependant de créer, par l’articulation, la courbe mélodique et le phrasé, cette linéarité d’un Temps suspendu, "immobile tel l’éternité" dont parlait Baudelaire. Pièce méditative et nostalgique, faisant penser à un rituel, la partition semble, de plus, écrite comme une improvisation. Mais les apparences sont trompeuses lorsque l’art est caché par l’art même !

Les alliages de timbres entre les percussions et la flûte y sont splendides. Le compositeur laisse entre autre ici, au souffle de la flûte, sa place au sein du lyrisme d’une mélodie à l’architecture ciselée dont la conduite est aussi surprenante qu’envoûtante. Une deuxième partie nous amène alors à une musique de transe (amoureuse ?) où le rythme devient roi avant que de revenir à une ambiance mélancolique et rêveuse qui s’éteindra sur une résonance de gong.... Il existe par ailleurs un CD consacré à cet aède dans une collection de musique ethnique réalisée il y a longtemps par Radio France et qui permet de se rendre compte de ce métissage en l’esprit réalisé ici par Alain Féron .

Alors même qu’au loin op.26, concerto pour guitare et 6 instruments (2003) s’inspire pour sa part de la formation du concerto pour clavecin de Falla, tout en en modifiant la formation : guitare solo au lieu du clavecin ; clarinette en lieu et place du hautbois et ajout de deux percussionnistes. De plus, cette pièce ne se veut pas un concerto traditionnel, même et même si on y retrouve les trois mouvements qui ont assuré le bonheur de cette forme singulière. De fait, la guitare n'est pas traitée en tant que soliste concertant avec un ensemble qui lui répondrait. 

Dans le premier mouvement, par exemple, la guitare suit le propre développement de son matériau alors que l'orchestre suit le sien. Ainsi, la cadence se situe-t-elle au premier mouvement et le second mouvement comporte-t-il deux nouvelles cadences (l'une solo, l'autre, qui sera accompagnée par le vibraphone). En outre, c’est à travers le fantôme de l’oûd que le compositeur a choisi de réfléchir sur le sens à donner, aujourd’hui, à une œuvre consacrée à la guitare. C’est aussi pourquoi (tout en rendant un hommage à son maître Ahmed Essyad au sein du 3ème mouvement qui assimile l’esprit de la musique arabe), Féron tente l’improbable : englober successivement en une même œuvre les trois écritures historiques de la musique que sont : la monodie (mvt 3), l’harmonie (mvt 2) et la polyphonie (mvt 1).

Son propos ? Tenter de traquer l’essence même de cet instrument qu’est la guitare en synthétisant son emploi dans les multiples applications musicales qu’elle a traversé. Ce, sans pour autant témoigner d’une quelconque nostalgie envers les richesses d’un passé uniquement convoqué afin d’être transgressé.

Le "métissage musical" selon ce compositeur ne s’appuie donc que rarement sur un substrat ethno musicologique à caractère scientifique. Certes, l’on peut trouver par exemple dans la partie centrale de Songe d’Afrique op.32 (pour trois percussionnistes) deux rythmes caractéristiques des cérémonies du culte vaudou implanté au Sud du Togo (et ce, au sein d’une population appartenant au sous-groupe linguistique kwa-eve que l’on retrouve par ailleurs tant au Bénin qu’au Ghana). Mais il est inutile pourtant de vouloir y trouver une matérialisation sonore réaliste de l’Afrique, même si certains instruments de percussion joués dans cette partition sont d’origine africaine (certains comme les hochets et la double cloche étant bel et bien affiliés aux rituels de ces terres lointaines et notamment à ceux du vaudou ).

Dans la 4ème Prophétie des Sibylles l’on peut aussi noter que la mélodie (bien que transformée) est empruntée au répertoire populaire de la musique Éthiopienne. Mais la vision transculturelle de ce compositeur s’adresse, avant tout, bien plus à l’esprit de ces cultures revisitées (et donc à l’imaginaire qu’elles font naître en lui) qu’à des techniques concrètes et spécifiques qu’il leur aurait emprunté.

Aussi, sa tentation de synthèse entre écriture et oralité se défend de toute attitude réellement musicologique. Ainsi, son désir d’interroger la monodie arabe n’induit pas qu’il en plaque les règles et les techniques musicales au sein de son écriture. S’il se penche sur les courbes mélodiques de la musique arabe, c’est afin de percer le geste musical qui confère souplesse et complexité à ces monodies jouées ou chantées. D’ailleurs il s’empressera de passer cette caractéristique monodique au crible d’une polyphonie qui en intègrera la substantifique moëlle.

En fait, tout comme dans la réelle transmission orale, la démarche transculturelle de métissage qu’il applique à sa musique est fondée sur la "trahison". Car la musique de ce compositeur est toujours : re-création, réappropriation des traditions vers lesquelles il se tourne (qu’elles viennent d'un ancien Occident ou de cultures primitives ancestrales).

Pointons ainsi, toujours dans Songe d’Afrique, la référence au griot (conteur-musicien africain appartenant au tissu socio-culturel tribal) puisque Alain Féron nous dit que cette page, qui s’articule en trois parties autour d’un conte sans paroles, contient : trois personnages principaux (l’un intervallique, l’autre harmonique et le dernier, rythmique), une exposition, des péripéties, un dénouement, des descriptions, une dramaturgie… Pointons enfin que l’œuvre fait rappel de l’improvisation que pratiquent ces bardes en intégrant (par le biais de l’écriture) un sentiment d’improvisation qui irrigue la totalité de sa partition.

Et comme avec Alain Féron il y a toujours encore une poupée russe à ouvrir dans celle que l’on vient de mettre à jour, je me dois d’ajouter que la troisième partie de cette pièce est le rétrograde inversé de la première. Un artifice contrapuntique qui permet ainsi de relier la fin de l’œuvre à son début, comme si cette dernière pouvait ainsi recommencer indéfiniment (… de même l’enfant se plaît-il à entendre et réentendre sans fin la même histoire). Une telle logique met ainsi l’accent sur l’essence même du conte qui est sa capacité de répétition potentiellement infinie puisqu’il se place au sein de l’imaginaire, et donc, par définition, hors-du-temps !


 Le Sentiment du Sacré

L'œuvre se fait, sous sa plume, trace intelligible, sensible, empirique (dans le sens où sa musique nous fait partager une expérience), en même temps qu'elle s’ouvre au ressenti d’une immatérialité porteuse d’un fort sentiment du Sacré.

Pas de sentiment religieux cependant en la musique de ce compositeur, car, s'il est d’origine protestante, il n’a jamais été croyant. Il n’en reste pas moins attiré par l’état même de la transcendance, par la force magique du rite, par cette fascination de l’Homme pour l’Inconnu et ce désir d’apesanteur spirituelle qui nous pousse à nous tourner vers l’Infini. « Le sacré, dit-il, est la condition même de l’humain, ce qui permet à l’individu de rêver et de se dépasser, à la société d’expliquer le Monde et de se structurer à partir de lui ».

Bien sûr, dans cette recherche du Sacré il y a une attirance pour la Mort. Mais celle-ci n’a rien de morbide. Elle est chez lui un appel vers l’absolu néant certes (qui incarne la réponse à tous nos questionnements à travers la fusion cosmogonique : le véritable retour aux origines ?), mais aussi la raison même de la Vie. La mort est ainsi ressentie comme une présence qui lui permet, peut-être, de toucher au plus essentiel de ces rivages immémoriaux que seule à ses yeux la musique peut atteindre. Il y a quelque chose d’Orphée chez ce compositeur !

La Liturgie des morts op.7 (1987) pour sextuor vocal et ensemble instrumental (1987) est ainsi un requiem à la mémoire de son ami compositeur Claude Vivier, qu’il retrouva assassiné dans son appartement. Traumatisé, ce n’est que trois ans plus tard qu’il aura le courage de lui rendre un dernier hommage.

Si le latin y est ici préservé, le terme même de "liturgie" prend cependant clairement ses distances avec la forme religieusement connotée du requiem proprement dit. Au Dies Irae débutant l’œuvre (et dont le texte original se trouve lui-même tronqué) sont rajoutés, dans un désordre qui se veut rester signifiant), des extraits du texte du Requiem ne tenant pas compte de la structure fixée de cette forme particulière. On y trouve d’ailleurs, inséré au milieu de la partition, le cri déchirant d’un poème du peintre et ami de Claude Vivier : Patrick Butticker. Un poème en français écrit sous le choc de la nouvelle de sa mort.

Quant au choix du sextuor vocal qui utilise un chœur d’homme comprenant un haute-contre et la voix d’un jeune garçon, il n’est bien entendu pas innocent puisqu’il fait référence, à la fois, à la musique de la Renaissance, à l’intimité la plus profonde de ce compositeur Québécois et à sa musique même (notamment à sa partition la plus autobiographique qu’est Journal).

Inutile cependant de chercher là une quelconque citation musicale. Notons encore l’emploi d’un contrepoint libre extrêmement serré, d’une polyphonie aussi dense que claire en ses lignes entrelacées, ainsi que l’usage de séquences instrumentales entrecoupant, comme autant de stations Christiques, les diverses parties vocales (l’idée lui en vint de la structure avec prélude, interlude et postlude du Requiem Canticles de Stravinsky). Et remarquons aussi le rôle donné au violoncelle, qui, devenant soliste vers la fin de la pièce, est chargé par le compositeur de représenter la voix même de Claude Vivier. Une œuvre magnifique, poignante, d’une rare intensité tant cette dernière est soutenue du début à la fin : on ne sort pas indemne de son écoute.

Au contraire de la Liturgie des Morts, Les Prophetiae Sibyllarum op.34 pour six voix de femme et deux percussionnistes (2009) sont la face lumineuse du sentiment du Sacré qui anime aussi ce créateur : l’espoir en la Vie. En effet, à l’interface entre humain et divin, les Sibylles annoncent, dans un monde païen, la venue d’un Messie qui, né d’une femme vierge, sauvera l’humanité... On a beau ne pas croire en Dieu, on ne peut nier la beauté de cette hypothèse lorsque l’imaginaire s’en empare. Surtout qu’elle permettait à Alain Féron un travail transhistorique et transculturel à la fois. L’idée qui le séduisit en premier lieu fut cependant de pouvoir donner un pendant contemporain aux merveilleuses « Prophetiae Sibyllarum » de Roland de Lassus. En second lieu, le propos de l’œuvre lui permettait  d’interroger, à travers les 5 Sibylles qu’il retint sur les 12 mises en musique par Lassus, la musique arabe, africaine et occidentale en ses débuts polyphoniques.

Chacune de ces pièces s’inspire ainsi de l’un de ces univers musico-culturel en tentant de mettre en évidence (à travers son langage propre) ce qui les rattache les uns aux autres plus que ce qui les sépare. C’est pourquoi le matériau musical de cette œuvre s’échange et se transforme ici d’une pièce à l’autre.

Et de retrouver la constante volonté unitaire de ce compositeur dont la devise pourrait effectivement être incarnée par cette pensée Zen que nous avons déjà citée (“L’Un est dans le Tout, et le Tout est dans l’Un”).


 Work in Progress ?

Reprenant parfois certaines de ses pièces pour les amplifier, leur donner de nouveaux développements, cette démarche ne s’arrête pas chez lui à la reprise d’un matériau thématique antérieur qui donnerait lieu à une nouvelle « version » de son œuvre. Car il travaille, dans ce cas précis, sur la re-contextualisation de sa partition originelle, démontrant par la même occasion qu’il n’existe pas une Vérité Musicale dans l’absolu, mais, simplement : une Vérité spécifique à chaque œuvre.

C’est donc une partition neuve, re-créée, qui naît des vestiges, des fragments ou des extraits qu’il développera, superposera, triturera, malaxera, changeant ici l’ordre du matériau qu’il retient, lui apportant, ailleurs, des parties supplémentaires. À l’écoute de son matériau, c’est cependant toujours l’œuvre nouvelle qui impose sa loi.

Une telle attitude démontre à l’envi l’inanité de tout dogmatisme et de toute idéologie s’appliquant à la musique, car (selon ses propres mots) : « La musique n’est pas réductible à une technê, pas plus qu’on ne peut trouver la pensée dans le cortex cérébral » ! Ce à quoi il ajoute volontiers cette autre citation de Jankélévitch : « Le créateur pose l’essence conjointement avec l’existence, la possibilité en même temps que la réalité. »

Ainsi Rhumbs op.19 pour flûte bansouri et 6 percussionnistes (1995) va-t-elle devenir « autre » en échangeant son statut de musique pure contre celui d’oratorio lorsque La Lègende d’Ifé op.22 (pour soprano, chœur de 12 voix solistes, 3 percussionnistes et piano, achevée en 1997) l’absorbera en grande partie.

Dans cet exemple précis une partie de l’œuvre originelle va dès lors se trouver démembrée et replacée (retravaillée ou non) à divers endroits de cet oratorio qui, lui, apporte son propre matériau et sa propre structure en tant qu’œuvre nouvelle (l’histoire contée nous place dans le contexte Haïtien du vaudou et de la révolte du peuple de ce pays contre son dictateur). Ainsi applique-t-il sa démarche d’une vision transhistorique et transculturelle à son œuvre propre.

Rhumbs subira encore une autre transformation... Cette dernière, dédiée à son fils Aurélien, fut écrite pour fêter sa naissance en 2005. A l’Insu du Souvenir op.19b reprend en effet certaines des 4 parties de percussions de Rhumbs en y apportant quelques ajouts et retranchements, ce, tout en leur superposant une partie entièrement nouvelle confiée à un saxophone basse. Et c’est assurément là,  sa partition la plus joyeuse et la plus colorée de rythmes africains (flirtant aussi avec le jazz et son swing) ! Et comme tout est signifiant dans la démarche musicale de ce compositeur, je dois préciser que Rhumbs est dédiée « à Kalidou et Rosalie » (le couple de Sénégalais qui l’ont élevé lorsqu’il était bébé) et que la partition se donnait déjà comme une réflexion portée sur la rythmique africaine...

Ce travail de reprise de partitions antérieures est donc celui d’une re-création, d’un changement musical interne, fondamental, puisqu’il touche jusqu’à l’essence de l’œuvre nouvelle en lui conférant par là-même une âme propre. Il s’agit donc bien là d’une véritable transmutation, pour reprendre un terme alchimique. Ainsi en sera-t-il encore pour Le Livre des Ombres op.20a (2001) pour trio avec piano.

Pièce nocturne, rêverie d'ombres portées,  ce livre est en fait l'ombre du Trésor de la Nuit op.20 (1995)... un opéra pour marionnettes dont il va extraire de longs passages en gardant  l’accompagnement originel écrit pour trio avec piano, ce, tout en supprimant les parties vocales et en excluant la partie de clarinette de la nomenclature propre à cet opéra de chambre. Ayant ainsi restructuré les deux tiers de sa « nouvelle » œuvre, Féron va réaliser les transitions entre les extraits choisis puis créer, à partir du matériau présent qu’il développe, une troisième partie entièrement neuve qui servira de final à la pièce (pensée ici en un seul mouvement, alors que l’opéra, en un acte, comportait trois scènes à travers lesquelles ses extraits ont été choisis). Jamais cependant on ne perçoit la moindre « couture » ou « reprise ». La musique y coule dans son évidence. Et si ce trio avec piano s’offre comme une résonance du Trésor de la Nuit, il s’avère avant tout comme une œuvre à part entière, unique, enchanteresse et envoûtante.

Sa structure, qui est celle d’une grande arche suspendue au-dessus du temps, prend aussi la forme d’une fantaisie (aux couleurs oniriques) dont la temporalité évolue au travers de thématiques reconnaissables (timbriques, rythmiques, intervalliques, cellulaires). Cette page est, comme le dirait Jean-Luc Nancy : « en transformation inépuisable d'elle-même.» Le compositeur  trouve en effet l’équilibre fragile, nécessaire et naturel, entre un temps à l'unité discursive et un temps suspendu, figé et immobile « tel l'éternité ».

Le discours, qui relève de l’agogique et du travail unitaire, use ici d’éléments repris au Trésor de la Nuit tels des balises (l'introduction au violoncelle seul du début, les accords/harmonies égrenés ça et là par le piano dans l'espace et dans le temps, les montées mystérieuses du violon). Mais c’est bien la seconde temporalité qui gouverne l'œuvre en son entier et qui la mène jusqu'à la fin, jusqu'à ce dernier sol où l'on ne perçoit plus rien, si ce n’est notre propre prise de conscience que tout peut repartir du début, et ainsi, indéfiniment !

 

Regards sur le Passé...

Comment revivifier une forme connotée du passé en usant d’une relecture à travers le prisme d’un langage contemporain ? Et, comment envisager, de nos jours, une mise en perspective d’un genre musical délaissé ?

Les réponses, Féron nous les apporte dans plusieurs de ses partitions telles : Le Concert Spirituel op.21 (1996) pour mezzo et deux violoncelles (où il revisite la cantate pour une seule voix du 18éme) ; dans ses 17 Petits Motets op.33 (2008) pour maîtrise ou voix de femme avec et sans accompagnement d’orgue (où il renoue avec la miniature du motet liturgique), dans ses Méditations sur le Magnificat op.28 (2006) pour orgue avec chant alterné (une pratique du 18éme français), sans oublier son Actus Tragicus op.29 (2006) qui n’est autre qu’une cantate pour solistes chœur et ensemble baroque sur le texte et la nomenclature de la célèbre cantate BWV n°108 de J.S.Bach.

Le texte (en allemand donc) de  cet Actus Tragicus a été aménagé par Alain Féron afin d’obtenir des résonances (signifiantes) nouvelles entre certaines phrases (choisies en fonction de leur contenu théologique). Ce faisant il en rapproche certaines, joue de l’éloignement avec d’autres, ou encore use de leur superposition. Il s’agit donc d’une véritable relecture du texte qui lui a permis, en outre, d’étendre la technique de la répétition liturgique (employée par Bach) à l’ensemble de ce texte. Un tel parti pris a eu par ailleurs, des conséquences formelles : la plus importante touchant à la structure de cette cantate.

Si Bach utilise en effet la forme à numéros en choisissant ses extraits en fonction d’une alternance (signifiante) entre parties réservées à chaque soliste et parties chorales, la relecture proposée par Alain Féron induit pour sa part une continuité thématique et formelle où les solistes ne sont désormais plus isolés du chœur. Les interventions du quatuor de solistes sont ainsi parsemées au sein de l’œuvre et donnent lieu à des solos, duos, trios et quatuors (qui sont ou non accompagnés par le chœur). En outre, le mélange et la superposition des solistes et du chœur a permis au compositeur de revisiter la technique du concerto grosso, appliquée là, à l’écriture vocale (le quatuor de solistes formant un concertino et le chœur, une sorte de ripieno). Quant au matériau thématique innervant cette partition de part en part, il n’est autre que la célèbre signature musicale du cantor de Leipzig  (B.A.C.H. = sib. la. do. si bécarre) traitée dans ses multiples transpositions et combinaisons contrapuntiques.

Son Magnificat pour orgue avec voix alternée pose quant à lui deux problématiques spécifiques. La première, d’ordre théologique, concerne l’interprétation de chacun des 7 versets que doit illustrer la partie d’orgue (les six autres étant, en alternance, chantés traditionnellement sur la même mélodie de plain-chant). La deuxième, d’ordre technique, étant de trouver une unité à ces diverses pièces brèves qui relèvent chacune de l’esthétique de la miniature.

Cette œuvre donc, qui pratique un contrepoint atonal, use principalement de deux techniques contrapuntiques : celles de l’inversion et de la rétrogradation. Le matériau thématique (intervallique, harmonique ainsi que rythmique) y est en outre volontairement restreint et parcourt ces 7 pièces sous divers éclairages et traitements. Par ce travail thématique  très fortement unitaire le compositeur a voulu symboliser, “musicalement”, la pensée de Maître Eckhart selon laquelle  :  « Dieu est sans nom, car personne ne peut dire ou comprendre rien de Lui » … Puisque les idées des choses créées sont en Lui, toute chose a donc été créée dans le « commencement absolu de son éternité » (sans se manifester dans le même temps). Tout est donc tiré du néant et, parce que la créature participe à la divinité, elle est « totalement dissemblable de Dieu et semblable à Lui ».

Bien que n’étant pas croyant Alain Féron s’intéresse donc à la théologie et à la mystique. Aussi, dans le cadre de certains genres musicaux (comme ce Magnificat pour orgue avec chant alterné, ou encore dans celui de sa cantate Actus Tragicus) se refuse-t-il à faire l’impasse sur ce qui est la difficulté même de ces genres  : l’essence de leur raison d’être.

Ajoutons pour finir que, sur un plan architecturel : l’Amen final de ces Méditations renvoie au Magnificat  introductif ;  la pièce n°5  (Suscepit Israël)  est l’inversion du Et misericordia (pièce n°3) ; le Quia respexit (n°2) entretient des liens étroits avec le Deposuit potentes (n°4) ; le Gloria Patri  (n°6) étant fondé quant à lui sur le Deposuit Potentes (n°4). 

Ainsi ces 7 pièces s’articulent-elles deux par deux autour d’un axe central qui n’est autre que le Deposuit potentes . Et c’est tout naturellement qu’Alain Féron a serti son travail contrapuntique dans un écrin harmonique (atonal, dodécaphonique, chromatique, diatonique et modal) se rapprochant de l’écriture de choral sans lui être pour autant réductible (cette référence étant  un autre hommage à J.S. Bach). Une telle transmutation de techniques anciennes dans un langage qui se veut, sans ambiguïtés possibles, de son temps, confère à sa musique une couleur singulière. Ainsi en est-il aussi de son Concert Spirituel op.21 pour mezzo et 2 violoncelles (1996). Une  œuvre qui répond de nouveau à cet appel de l’Absolu et du Sacré.

Comme dans la très grande majorité de ses œuvres vocales relevant de cette catégorie du Sacré,  le texte est en latin, langue aujourd’hui morte et, pour cette raison même, porteuse d’un sens perdu ou oublié lié à ses origines anciennes. C’est pourquoi son emploi confère à cette langue l’attrait supplémentaire du mystère et de l’énigmatique (deux paramètres qui entourent  sa notion du sacré de la distance nécessaire à l’efficacité de sa magie). Quant au terme de « concert », dans son acception des 17éme et 18éme français, c’est une forme libre manifestant l’égalité des instruments convoqués et se rattachant à la musique de chambre. De plus, le nom de « Concert Spirituel » fut donné à une institution de concerts privés (créée en 1725 par Philidor) qui sut promouvoir, en dehors de la Cour ou des Églises, la musique sacrée de son temps. Un  dernier mot pour dire que la nomenclature de cet ouvrage fait référence au genre des petits motets à une voix (tels ceux de Couperin) et que cette dernière se trouve alors en parfaite adéquation avec l’intimité et l’introspection requise par l’expression du Sacré en musique.


 Un musicien engagé

On ne trouvera pas beaucoup d’œuvres réellement « politique » en son catalogue. N’étant pas très expansif en ce genre de démarche musicale, il réserve ce type d’engagement au domaine du politicos (c’est-à-dire de la vie dans la Cité). Là, son sens critique et ses valeurs fondamentales ont toujours été mis au service d’un humanisme généreux. Ses articles et ses émissions radiophoniques en témoignent autant que ses choix professionnels et ses prises de position publiques.

Deux pages sont cependant à relever : Fragments pour un Mausolée op.6 pour mezzo et orchestre (1987) et Mir wird Rot vor den Augen op.15 pour ensemble instrumental (1991).

Cette dernière œuvre, superbe, à l’écriture somptueuse et acérée, à l’orchestration éblouissante (on a peine à croire qu’il n’y ait ici que 10 instrumentistes) est parcourue d’un lyrisme puissant, d’un dramatisme saisissant et d’un humour corrosif (la valse finale est à la fois terrifiante et sarcastique à souhait). Emplie d’ostinati oppressants, de notes répétées grinçantes, les contrastes sont amenés avec subtilité et ménagent de purs instants de grâce au sein d’une atmosphère générale restant sombre. Ces 16’ passent avec la rapidité d’un éclair ! De quoi s’agit-il ? La partition a été écrite sous le choc de la 1ère Guerre du Golfe. Le choix du titre est explicite du sentiment ressenti par le compositeur puisque la traduction française signifie « Je vois rouge devant mes yeux... ». Mais le sens de ce titre est double puisqu’il fait aussi référence à cette même phrase que chante Wozzeck lorsque ce dernier a la prémonition du meurtre qu'il va perpétrer (Acte II, scène 4 de l’opéra de Berg). Cependant, il n’est pas besoin de chercher ici un fil extra-musical qui nous guiderait dans l’écoute puisque cette œuvre ne possède aucun argument précis. 

Bien que cette partition se déclare de facto de la « musique pure », cela ne nous empêche pas pour autant de nous faire notre propre scénario. Reste, en tous les cas, le double symbole porté par cette phrase-titre qui nous renvoie d’un meurtre tiré d’un fait divers (portée sur la scène théâtrale par Wedekind, puis sur la scène opératique par Berg) à l’actualité de l’Histoire (les victimes civiles des bombardements américains de ce printemps 1991). En exergue de la partition nous trouvons ces vers de Pierre Emmanuel qui illustrent  parfaitement le poignant de cette page : « Au gré du sang / S’effrite le temps ».

 

L’appel de l’opéra

Assumer l'héritage opératique ne se résout nullement dans la complaisance conservatrice qui consisterait à suivre des schémas connus du passé ! Bien au contraire, une telle attitude se doit d'entraîner une critique constructive de ces schémas : autrement dit  la recherche d'une actualisation qui transgresse le genre opératique tout en respectant son essence propre...

Cette dernière se doit, pour Alain Féron, de prendre en compte les exigences spécifiques à chacune des entités en présence (Musique et Théâtre). S'il appert que le langage musical (au sens technique et esthétique du terme) n'est point un agent destructeur de "l'essence opératique" (puisqu'il n'est que le contenant de la pensée et non son contenu) c'est donc la construction d'une action et sa mise en relation dynamique avec une écriture musicale qui définit les limites de l'investigation créatrice.

De fait, l'élaboration du livret est primordiale (quel que soit son degré de compréhension ou d'abstraction). Car c'est lui qui ordonne et construit l'action en définissant l'ordre des scènes et leur contenu dramaturgique, lui encore qui permet d'induire la forme musicale et ses structures.

C'est ainsi que, toujours selon ce compositeur, la musique puise sa cohérence et développe son imaginaire dramatique en s'appuyant sur la construction dramatique d'une part, et sur le texte, d'autre part. Texte, qui, par la conduite de ses phrases et le choix de ses mots impose les instants où le chant se déploie, s'étire, se contracte ou disparaît. C'est lui encore qui donne sens, signification et profondeur à l'action qui se déroule :  la musique se chargeant de porter le dramatisme qu'il inclut à son point d'incandescence, là même où le mot ne peut aller, c'est-à-dire au-delà du sens dont il est porteur !

Musicalement parlant, la véritable question à laquelle notre XXIéme siècle se doit de répondre au sein de l'écriture opératique  semble n'être incluse pour sa part, ni dans la problématique "formelle" ni dans l'utopie afférente à la "transcription" de l'essence mélodico-rythmique de la langue choisie. Non, la véritable question reviendrait à résoudre l'équation du chant...et donc de la mélodie (dans l'acception la plus large de ce concept). Ainsi s'agit-il pour Alain Féron d'articuler, dans le temps, une courbe mélodique. Car le lyrisme ne naît pas du chant mais bien de la mélodie qui lui est constitutive lorsque cette dernière est ..."aboutie" dans toutes ses dimensions compositionnelles.

Un deuxième opéra (d’une heure quarante cinq minutes), écrit en 1992, et qui répond à tous ces questionnements n'a toujours pas à ce jour été créé. Sur un livret de Michel Beretti et d'après un roman de Villiers de l'Isle Adam, L'Eve Future op.16 (1992) pour 6 solistes vocaux, un chœur de 24 voix enregistré, et orchestre par trois, le sujet en a été ainsi résumé par Mallarmé : « Un jeune Lord mourait que sa maîtresse contînt une imperfection, quelque vulgarité, inaperçue du monde, pas de lui... Edison par un automate de sa fabrication, requérant une ingéniosité, la remplace... ». Nous n’avons hélas pas le temps ici de nous étendre ni sur les significations et implications philosophiques et sociologiques multiples du sujet, ni sur la complexe richesse de cette partition pour laquelle le compositeur a une tendresse particulière. Il la considère d’ailleurs comme son chef d’œuvre (dans le sens où l’entendent les artisans compagnons précise-t-il )! Il est de fait bien trop humble pour revendiquer ne serait-ce, seulement, que le talent (évidemment grand) dont ses partitions portent le sceau.

Nous pouvons tout de même avoir une petite idée de ce que pourrait être cet opéra grâce à deux œuvres qu’il en a tiré. Avec What about Eve ? op.16a (1993), il nous offre la musique des films où Edison explique qui est le personnage de Sowana et où il démonte l’anatomie de sa femme-robot idéale (dénommée Hadaly : ce nom signifie d’ailleurs « Idéal » en persan). L’orchestration en est celle, originelle, de l’opéra (faisant appel à un petit ensemble de 11 musiciens) et seules manquent ici les parties chantées entre Lord Ewald et Edison.

Et avec On the other side of the wind op.16b pour sinfonietta (1996), nous pouvons au moins entendre l’interlude de la tempête (ici réduit dans son effectif orchestral) qui se situe avant le dernier monologue d’Edison clôturant l’opéra. Tempête durant laquelle le navire coulera avec tous ses passagers dont Lord Ewald et Hadaly. S’enchaînent ensuite (à cette stricte transcription) des extraits orchestraux pris un peu partout dans l’opéra et traités en véritable patch work !

Si le premier titre parodie avec humour celui de l’un des chefs d’œuvre Hollywoodien de Mankiewicz (All about Eve, 1950), le second, est emprunté à un film d’Orson Welles qui ne verra jamais le jour !

Son troisième opéra, de chambre cette fois-ci, est écrit... pour marionnettes. Le Trésor de la Nuit op.20, composé en 1995 sur un livret de Claude-Henry du Bord, se veut une fable philosophique, poétique et onirique sur les pouvoirs de la musique et de la parole.

En voici le sujet : durant son sommeil, le héros (Amantino, luthier de son état) rêve qu’une voix l’enjoint à trouver trois secrets qui lui permettront de créer un violon aux sonorités extraordinaires, uniques. Amantino, cherche en effet l’or du temps et celui de la musique, mais, lors de ce parcours initiatique Il va se trouver confronter à l’autre thématique de cet opéra : l’incommunicabilité. Chacun des trois protagonistes rencontrés (un alchimiste, une danseuse, une petite fille triste) est seulement absorbé par ce qui l’habite : le Grand Œuvre, la danse, une énigmatique mélancolie. Amantino est donc seul avec son désir. Le premier secret qu’il découvrira sera celui de l’expérience (qui nous vient de la connaissance de la nature et de ses lois) et le Magicien de confier à Amantino un premier secret : "savoir attendre avec humilité, offrir son cœur à sa recherche de la Vérité et donner du temps au temps pour qu’il devienne de l’or". Le deuxième secret sera l’Amour et c'est la Danseuse qui lui fera comprendre que, seul l’amour de ce que l’on fait, et la patience que l'on prend au travail permettent de rencontrer la beauté en donnant forme, peu à peu, à la perfection du geste (car lui seul saura alors "dilater le temps et le rendre infini... comme le ciel"). Le denier secret sera le don de ce qui nous est le plus cher pour que nous parvienne la joie de vivre. Et cette dernière s’incarnera dans le rire d’une petite fille qu'Amantino fera naître en elle afin de chasser, enfin,  sa terrible tristesse.

Une partition toute en finesse, délicate autant qu’élégante dans son instrumentation ne réunissant seulement que 4 instruments ! Ce, sans que jamais l’intérêt ne baisse ni que l’invention ne faiblisse. Un pur joyau ! A noter la gageure que représente, dans la deuxième scène (celle de la rencontre avec la Danseuse), l’écriture d’une valse parodique pleine d’humour, de tendresse et de lyrisme qui ne doit ni à Ravel, ni à Chostakovitch mais qui, dans un style très personnel, fait un clin d’œil malicieux à Schoenberg. Et comment ne pas citer la magnifique troisième et ultime scène emportée par un souffle habité de bout en bout et dont la mélancolie, saisissante de sensibilité, débouche avec une évidence confondante sur une fin d’une infinie tendresse poétique.

 

Conclusion provisoire

Il est grandement dommage que dans ses tiroirs dorment encore 2 oratorios : Le Royaume Millénaire op.10 (1989) et La Légende d’Ifé op.22 (1997). Mais aussi, une œuvre pour chœur mixte de 2009 (Déploration sur le Tombeau de Josquin op.33) ainsi que 15 de ses 17 Petits Motets op. 32 (2008) pour voix d’enfant (ou chœur de femme) avec et sans accompagnement d’orgue. Liste à laquelle il faut hélas ajouter : Songe d’Afrique op.31 (2008), Mehr Licht op.14 (1990) pour orchestre et enfin son opéra sur L’Eve Future de Villiers de l’Isle Adam !

Alors, laissons-lui le dernier mot : “La Musique, l’Art, la Culture (comme la Nature, le Cosmos ou la Vie) ne sont-ils pas un flux continu en perpétuelle mutation dont l’Histoire (le temps) met à la portée de notre perception, de notre intelligence et de notre sensibilité, les traces qui témoignent de l’évolution de la pensée et de l’esprit humain ? La musique est assurément un langage intemporel, et chaque œuvre, une bouteille à la mer qui reviendra s’échouer, un jour ou l’autre, sur un rivage… Chaque bouteille n’est-elle pas faite pour être ouverte ? Chaque message pour être lu ? Et le Temps (sculpté par la musique qui lui confère sens) ne renaît-il pas continuellement de ses cendres tel Phénix ?

Mahler disait « Mon temps viendra », gageons que celui d’Alain Féron fera de même  tant sa musique, fulgurante, se ressent comme une nécessité, et son œuvre comme une promesse ne tenant ni du prévisible ni du quantifiable !

 

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